Le jeûne est l’un des trois piliers, avec l’aumône et la prière, qui soutient notre chemin de conversion pendant les quarante jours qu'est le carême.
D’où vient la tradition du jeûne dans les religions ? Quel est
le sens de ce jeûne ? Comment est –il pratiqué par les chrétiens, les musulmans, les juifs ou les hindous ? En quoi la privation alimentaire devient nourriture spirituelle ?
Ce sera le thème, ce dimanche 27 juin de Dieu m’est témoin. Marie Lesure-Vandamme recevra sur le plateau le père Jean-Paul Pouillet, prêtre du diocèse de Nouméa en Nouvelle-Calédonie et Eric Vinson, journaliste chercheur spécialiste du fait religieux. C'est l'occasion de nous pencher sur le sens chrétien du jeûne.
Sur le chemin du Carême
Le jeûne est une privation substantielle de nourriture selon l’âge et les forces de chaque chrétien, en réservant un temps notable à la prière. Le jeûne est demandé le mercredi des Cendres, jour où commence le Carême, et le vendredi Saint, jour de la mort du Sauveur. Il est l’un des trois piliers, avec l’aumône et la prière, qui soutient notre chemin de conversion pendant les quarante jours au désert qu'est le carême. Voici quelques pistes pour en mieux comprendre la valeur et pour le vivre en communion avec le Christ.
Le jeûne est un moyen pour être vraiment homme, c’est-à-dire, pleinement ressemblant au Christ : c’est un chemin de disponibilité et de liberté intérieure. Comme l’affirmait Benoît XVI : « Le jeûne chrétien doit être un acte libérateur ».
Une ascèse chrétienne
Le jeûne a pour but de surmonter ce qui est mort en nous pour laisser se déployer la Résurrection.
« Ne savez-vous pas que dans les courses du stade tous courent, mais un seul remporte le prix ? Courez donc de manière à le remporter. Tous les lutteurs s’imposent mille privations, mais eux pour une couronne périssable, nous pour une couronne impérissable » (1 Co 9, 24-25). Le jeûne permet donc de revenir à Dieu, de renouer une relation intime avec le Père pour autant qu’il est vécu dans le secret comme nous l’avons entendu dans l’évangile de la messe des cendres (Mt 6, 16-18). Loin d’être un exploit spirituel fondé sur l’orgueil, le jeûne est une offrande de nous-mêmes :
« Le sacrifice en sa totalité, c’est l’offrande de nous-mêmes » affirme saint Augustin. Dieu cherche notre point faible pour y déployer sa grâce.
« Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé » (Ps 50, 19) chante le psalmiste et Paul le rappelle :
« Ma grâce te suffit, car c’est dans la faiblesse que ma puissance donne toute sa mesure » (2 Co 12, 9).
Un chemin de guérison
Le jeûne n’est pas un mépris du corps, ni de la nourriture qui sont des dons de Dieu, comme nous le disons dans la prière du Bénédicité. En revanche, il peut nous aider à porter un regard plus juste sur les biens en nous guérissant de l’avidité : le désir de posséder toujours plus et dans l’immédiat n’est rien d’autre qu’un écho du péché originel. Le jeûne invite à contrôler la violence de nos appétits et des addictions qui nous rendent esclaves,
« car on est esclave de ce qui nous domine » (2 P 2, 19). Si dans le désert le Christ n’a pas cédé, malgré la faim, à la tentation du pain, c’est parce qu’il était en communion avec son Père. C’est donc un combat spirituel qui nous est proposé :
« L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4, 4).
Différentes formes de jeûne
Différentes formes de jeûne s’offrent à nous : jeûne de nourriture bien sûr, mais aussi de jugements et de paroles inutiles, de mensonges et de bruit, d’ordinateur et de télévision… Jeûne de tous ces esclavages du quotidien qui nous font perdre un temps qui pourrait être donné à l’Amour, qui nous replient sur nous-mêmes au lieu de nous ouvrir aux autres. On peut aussi jeûner de l’Eucharistie ! Vers la fin de sa vie, saint Augustin se privait parfois de communion par solidarité avec les pécheurs. Jeûner de l’Eucharistie peut nous aider à saisir la souffrance de nos frères qui ont faim de Dieu et qui ne sont pas nourris, du fait de la maladie, l’éloignement….Le jeûne est un appel de tout chrétien à
« ne plus vivre pour soi-même, mais pour Celui qui l’a aimé et s’est donné pour lui, et… aussi à vivre pour ses frères » (Paul VI).